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Rencontre

La responsabilité épistémique

Cette demi-journée sera l'occasion de discuter de la responsabilité épistémique. C’est-à-dire, dans le contexte des phénomènes marchands, la disposition à accepter les conséquences de ses fautes épistémiques, et la capacité à reconnaître et à correctement s’attribuer ces fautes.

►Rencontre organisée par la chaire Éthique et Finance de Christian Walter et Emmanuel Picavet.

Il a souvent été reproché aux acteurs de la finance d’avoir presque mis à bas l’économie mondiale par pure cupidité. Ces jugements moraux, s’ils ne sont pas sans fondement, sont cependant très loin d’épuiser les explications de la Grande Récession. En 2015, dans son livre intitulé « Ethics and the Global Financial Crisis. Why Incompetence is Worse than Greed », Boudewijn de Bruin suggérait notamment d’examiner les défaillances épistémiques à l’origine de cette crise, et plus précisément les défaillances d’une certaine éthique épistémique. Ce qui était en cause, c’est aussi l’oubli ou la négligence de certaines vertus intellectuelles qui auraient dû guider la production ou la diffusion de connaissances financières fiables.

À l’occasion de cette demi-journée nous discuterons plus en détail d’une vertu intellectuelle particulière qui nous semble aussi importante qu’elle est généralement négligée, y compris par Boudewijn de Bruin : la responsabilité épistémique. C’est-à-dire, dans le contexte des phénomènes marchands, la disposition à accepter les conséquences de ses fautes épistémiques, et bien sûr la capacité à reconnaître et à correctement s’attribuer ces fautes. En 2008, lorsque les directeurs des agences de notations, en s’expliquant devant le congrès américain, présentaient leurs notes comme de « simples opinions » qu’il n’aurait pas fallu prendre trop au sérieux, ils cherchaient à esquiver les conséquences de leurs fautes (avoir dit quelque chose de faux est excusable si ça n’était qu’une « simple opinion »). Ils étaient épistémiquement irresponsables.

Cette notion de responsabilité épistémique, si elle s'enracine dans le sol de préoccupations déjà anciennes (déontologie scientifique, souci de la crédibilité dans les discours et les appréciations publiques, rejet du mensonge et de la propagande) prend aujourd'hui un relief particulier, du fait de l'évolution des technologies de communication et de traitement des données, mais aussi en raison de l'artificialisation croissante des procédures d'évaluation et des normes qui les mobilisent. Lorsque l'évaluation prend une tournure impersonnelle et mécanique, le jugement personnel ne disparaît pas pour autant, mais il risque de se déployer d'une manière qui ne permet pas véritablement de saisir les enjeux. Les mécanismes d'appréciation des risques, par exemple (dans des tâches liées à la régulation de systèmes sociaux complexes), risquent de rester inaperçus, alors même que l'on cherche à établir des responsabilités, peut-être avec une insistance particulière aujourd'hui (dans un contexte de rapport altéré aux autorités publiques), et peut-être plus particulièrement dans certains secteurs (comme la finance).

Ne faut-il pas, dès lors que l’on se préoccupe de cette responsabilité épistémique, repenser la place du jugement personnel, rationnel et critique dans les organisations en charge de corréler l'action aux données et aux connaissances ? N'est-ce pas une tâche collective importante pour aider les pratiques à s'adapter aux transformations dans la disponibilité et le traitement des informations, tout en aidant à structurer l’information ? Comment conduire les acteurs du monde marchand, et en particulier financier, à adopter des conduites épistémiquement responsables ? Quelles conséquences sur leurs pratiques, et sur la modélisation de ces pratiques ? Comment aborder le rapport aux modèles ou aux théories dans l'établissement des connaissances acceptées comme points d’ancrage ? Enfin, quelles formes juridiques, réglementaires et normatives pourrait prendre la responsabilisation épistémique ? Ce sont ces questions qui seront soulevées à l’occasion de cette demi-journée.

Programme

  • 13 h 15-13 h 30 Accueil
  • 13 h 30-14 h Responsabilité épistémique et éthique intellectuelle appliquée au monde des affaires | Erwan Lamy, professeur associé à l'ESCP Business School
  • 14 h-14 h 30 ML opaque, responsabilité épistémique et finance : une responsabilité de demeurer intelligible ? | Maël Pégny, chercheur à l'IHPST (Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, CNRS, ENS et université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
  • 14 h 30-15 h Responsabilité épistémique et modèles de risque financier | Christian Walter, actuaire, Dr. et HDR, et co-titulaire de la Chaire Ethique et Finance, Collège d'études mondiales, FMSH, Paris
  • 15 h 15-15 h 45 Responsabilité et connaissance dans les marchés publics | Véronique Coq, Maître de Conférences en Droit à l'université de Paris-Villetaneuse
  • 15 h 45-16 h 15 Responsabilité et vertus épistémiques | Roger Pouivet, Professeur de philosophie à l'université de Lorraine (Nancy)
  • 16 h 15-16 h 45 Conclusion | Emmanuel Picavet, professeur de philosophie à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et co-titulaire de la Chaire Ethique et Finance, Collège d'études mondiales, FMSH, Paris
  • 17 h-18 h Discussion générale
  • 18 h Clôture de la rencontre

► Cette rencontre aura lieu en visio-conférence, inscription obligatoire pour recevoir le lien de visio-conférence.