M. Yavuz Aykan

Maître de conférences

Histoire et civilisations : histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain ; de l'art ; de la musique

Recherche

Thèmes de recherche

 

Mes recherches portent sur l’histoire de l’Empire ottoman à l’époque moderne, avec un intérêt particulier pour les institutions juridiques, la production du savoir normatif en tant que champ intellectuel, ainsi que pour les usages sociaux de ce savoir par les individus devant les tribunaux ottomans, entre les XVIᵉ et XIXᵉ siècles. Bien que mon intérêt pour l’histoire ottomane s’étende à de nombreux domaines, c’est la question du droit qui me passionne tout particulièrement. Les institutions juridiques, les pratiques judiciaires et les usages sociaux du savoir normatif constituent ainsi le fil conducteur de mes recherches, autour duquel se déploient mes enquêtes sur la doctrine, les acteurs et les archives de la justice ottomane.

 

D’un point de vue doctrinal, j’examine les interactions entre le droit ottoman et la jurisprudence hanafite, développée depuis le Moyen Âge au Levant, en Asie et dans les Balkans. Mon travail analyse les processus de transformation de cette doctrine juridique et ses applications dans les différents territoires de l’Empire. En considérant la doctrine hanafite non comme un ordre divin immuable, mais comme un espace d’argumentation et d’articulation sociale et politique, j’étudie la manière dont elle fut mobilisée dans les différends juridiques consignés dans les registres des tribunaux — sources qui constituent le cœur de mon expertise.

 

Les premiers jalons de cette approche ont été posés dans mon ouvrage Rendre la justice à Amin: procédures, acteurs et doctrines dans le contexte ottoman du XVIIIᵉ siècle (Brill, Leyde, 2016). Depuis sa parution, mes recherches sur le droit ottoman et islamique se sont élargies et ont été publiées, pour l’essentiel, dans des revues internationales à comité de lecture : sur l’histoire des concepts et des catégories juridiques (Islamic Law and Society), la manière dont les institutions et doctrines juridiques traitent l’incertitude, notamment à travers le cas des biens des absents (Turcica), sur les formes et la grammaire de l’institution de l’esclavage dans l’Empire ottoman (Quaderni Storici), sur les pratiques de pétition des sujets musulmans et non-musulmans (Journal of the Economic and Social History of the Orient), ainsi que sur la nature notariale et le fonctionnement des archives des tribunaux (sicils ; The Cambridge Companion to Ottoman History).  

 

Je travaille actuellement à un livre consacré aux dynamiques économiques et juridiques d’une révolte survenue le 1ᵉʳ avril 1600, impliquant un groupe de spahis ottomans et se soldant par le lynchage d’Esperanza Malki, femme d’affaires juive influente proche de Safiye Sultan, la mère du sultan régnant Mehmed III. Les premières analyses de ce projet ont été publiées dans un chapitre de l’ouvrage Corruption in the Ottoman Polity: Empirical Insights, Conceptual Reflections, disponible ici.

 

Parallèlement, je développe un projet consacré à l'histoire transversale et longue durée du code civil ottoman Mecelle-i Ahkâm-ı Adliye, rédigé en 1876, appliqué jusqu’aux années 1950 dans plusieurs pays du Levant et exerçant encore aujourd’hui une influence notable sur la jurisprudence de nombreux États post-ottomans. Une première réflexion sur ce sujet se trouve dans mon article « From the Hanafi Doxa to the Mecelle » et dans une série d’articles publiée sur Islamic Law Blog intitulée « Why the Ottoman Fiqh ». Ce projet vise à analyser en profondeur les origines doctrinales médiévales — des traditions transoxaniennes au Levant — de ce corpus de 1 851 articles, en suivant l’émergence de ses formulations chez certains juristes ottomans aux XVIᵉ–XVIIIᵉ siècles, son élaboration au XIXᵉ siècle, ainsi que les usages et mobilisations contemporains de la Mecelle dans divers contextes juridiques post-ottomans. L’étude de ce code, qui met en lumière les parallélismes conceptuels entre les droits romain et islamique, permet de dépasser les dichotomies usuelles du type « Islam/Occident » et montre la nécessité d’aborder ces traditions juridiques de manière connectée et comparée.

 

Plus récemment, mes recherches se sont ouvertes à un nouveau champ d’investigation, consacré aux transferts, traductions et circulations conceptuelles entre l’Empire ottoman et l’Europe occidentale. Dans le prolongement de mon intérêt pour les circulations du savoir normatif et juridique, j’examine la manière dont les échanges intellectuels entre ces deux espaces ont participé à la formation de langages politiques et savants partagés. Cette perspective, tout en prolongeant ma réflexion sur la mobilité des savoirs, vise à intégrer l’« Occident » au cœur même de l’histoire ottomane, au-delà de l’opposition binaire construite entre l’Orient et l’Occident. Une première réflexion sur cette question a été publiée sous le titre Erasing the Islamic: Towards Writing Intricate Histories across Eurasia, dans Quaderni Storici. Le projet vise à révéler les zones de contact, de résonance et d’hybridation qui ont contribué à redéfinir les frontières culturelles et intellectuelles en Eurasie en général. Dans le prolongement de cette réflexion, j’ai récemment publié un article sur l’histoire sémantique du terme « révolution », intitulé Revolution as Historical Experience: Narrative Construction and Information Flow Between Istanbul and Paris around the 1730 Revolt, paru dans l’Annual of Istanbul Studies. Ce travail s’inscrit dans un projet en cours d’édition d’un manuscrit français du XVIIIᵉ siècle, rédigé au sein des cercles diplomatiques français d’Istanbul et relatant la révolte de 1730.

Enseignements

 

Sur le plan de l’enseignement, j’assure des travaux dirigés d’histoire moderne — notamment sur l’Europe et le monde aux XVIᵉ–XVIIIᵉ siècles —, d’histoire des Balkans (XVᵉ–XIXᵉ siècles), ainsi que de droit et d’institutions de l’Islam, avec une attention particulière portée à l’expérience ottomane.

 

J’enseigne également l’histoire du Moyen-Orient (Empire ottoman et monde arabe) aux niveaux licence et master, et je participe régulièrement à la préparation des colles d’agrégation et du CAPES.

 

Au niveau master, je contribue à l’enseignement, aux séminaires et à la direction de mémoires dans les parcours Histoire de l’Afrique, du Maghreb et du Moyen-Orient (voir le programme) et Histoire des mondes modernes (voir le programme).

 

Spécialiste de l’histoire du droit et des institutions ottomanes, je mobilise un large éventail de textes juridiques et administratifs, rédigés en paléographie ottomane, que j’enseigne à tous les niveaux, dans l’ensemble de leurs traditions calligraphiques. J’anime actuellement, avec un groupe de collègues, le séminaire de paléographie ottomane à l’EHESS (voir le séminaire 2025-2026).

 

 

Publications

 

Pour plus d’informations sur mes travaux et publications, vous pouvez consulter mes profils sur le site de l’Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine (IHMC) (https://ihmc.ens.psl.eu/-AYKAN-Yavuz-.html) ainsi que sur Academia.edu (https://univ-paris1.academia.edu/YavuzAykan)