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Ghostmarkets

Ghostmarkets est né d’un projet de recher­che-créa­tion ayant débuté en déten­tion en sep­tem­bre 2019 : pre­nant pour point de départ l’inter­dic­tion de la mon­naie dans l’espace car­cé­ral, économistes, anthro­po­lo­gues, archéo­lo­gues et cho­ré­gra­phes sont alors invi­tés à col­la­bo­rer avec un groupe de tra­vail cons­ti­tué à l’inté­rieur des murs et proposent la créa­tion d’une « mon­naie d’estime » faite de sucre et de béton, dont la valeur faciale est indexée sur les rituels de salu­ta­tion de la déten­tion.

Currency [money, money, money] est une vidéo à base documentaire et expérimentale, dont la matière première est constituée du matériau visuel et conceptuel généré à l’occasion des ateliers de recherche en détention. Elle se base sur deux éléments :

  • La création d’une nouvelle monnaie, en collaboration avec les personnes détenues participant au projet, l’équipe de recherche « Philosophie, Histoire et Analyse des Représentations Économiques » de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et les archéologues de l’Inrap.
    Dans un système où elle existe déjà, la création d’une monnaie alternative se fait souvent en protestation contre un pouvoir central qui la contrôle, tels les micro-expériences effectuées à l’échelle d’un village ou les bitcoins, dont la valeur est déterminée par la communauté.
    Dans le cadre pénitentiaire, où les seuls achats autorisés se font avec l’administration via des bons dédiés, créer une monnaie est d’abord une manière de « faire société ». Référence commune entre les individus, la monnaie permet à un ensemble de personnes de partager les mêmes règles et la même unité de compte ; sa conception exige donc un partage de valeurs liées à son fonctionnement, aux systèmes de régulation qui lui sont associés et aux symboles qu’elle peut véhiculer (effigie). Le projet génère ainsi un espace de discussion sur le fonctionnement de la communauté carcérale, mais permet aussi d’ouvrir la parole sur la question, plus intime, du rapport à l’argent et de la déconnexion entre intérieur et extérieur : certains condamnés à de longues peines n’ont jamais utilisé l’euro, et n’ont pas touché une pièce de métal depuis des années.
     
  • Un travail chorégraphique développé par Julie Ramage en collaboration avec le danseur et chorégraphe Van-Kim Tran et les personnes détenues participant au projet.
    Peut-on envisager la vitesse des échanges et la circulation des biens comme une rythmique des corps et des gestes ? Quelles gestuelles les échanges carcéraux impliquent-ils et comment peut-on les analyser, les reproduire et les transformer dans le cadre d’un travail chorégraphique ? Selon Van-Kim Tran, le simple échange d’un objet entre deux personnes constitue déjà une forme de jonglage. Spécialisé dans le jonglage contact, discipline du toucher consistant à garder en contact avec le corps humain un ou plusieurs objets, Van-Kim Tran propose d’interroger le rapport au mouvement, au corps et à l’espace qu’implique la notion même d’échange. Envisager les transactions comme des échanges d’énergie entre les corps permet de faire écho à la conception de la monnaie comme circulation d’un flux énergétique, portée par certains penseurs du XIXe siècle.
    L’ensemble de ces éléments constituera la matière première de l’installation vidéo : prototypes monétaires créés en détention, interviews et débats filmés à cette occasion,
    fragments chorégraphiques.

Projet réalisé avec Nadeera Rajapkse enseignant-chercheur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et au laboratoire Phare (Philosophie, Histoire, et Analyse des Représentations Économiques) et Sonia Manseri (PHARE).

Programme détaillé