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Ouragame : jouer pour appréhender la reconstruction d’un territoire après un cyclone

Comment aborder la problématique de la reconstruction d’un territoire dévasté par un cyclone auprès d’un public de collégiens ? À cette question, la promotion 2021/2022 du master 2 gestion globale des risques et des crises (GGRC) a proposé le jeu comme support, pour aboutir à la création du serious game « Ouragame ».

Basé sur les résultats de recherche du programme Tirex, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) suite au passage du cyclone Irma en 2017 sur les Petites Antilles, le jeu pédagogique Ouragame aborde la problématique de « l’après » catastrophe. Chacun des joueurs endosse le rôle d’un acteur (autorités publiques, service scolaire, secouriste, réserve naturelle…) et doit jouer en équipe pour reconstruire une île touchée par un cyclone dévastateur. En résolvant différentes missions, les participants découvrent la temporalité de la post-catastrophe et ses enjeux : arbitrage, difficultés, ressources nécessaires... Les acteurs vont, au cours du jeu, récupérer et échanger des ressources et être confrontés à des événement positifs ou négatifs qui vont impacter leurs démarches. Les missions suivent les différentes phases qui succèdent à une catastrophe : la phase d’urgence (les jours qui suivent) ; la phase de reconstruction (à partir d’un mois après) et la phase de développement (à partir d’un an après). Le jeu s’adresse à des collégiens et ne nécessite pas de formation particulière. Un seul enseignant est suffisant pour animer la session de jeu en classe entière pendant une séance d’une heure.

Les étudiants et étudiantes du master GGRC ont conçu et développé le jeu entre octobre 2021 et mai 2022. Pendant cette période, des phases de test ont été organisées avec des chercheurs spécialistes du risque, des collégiens en France, en Guadeloupe et à Saint-Barthélemy, afin de valider les choix scientifiques et pédagogiques. Le projet a été également présenté dans des colloques scientifiques et auprès du service de gestion des risques et de l’académie à Saint-Martin.

L’apport principal d’Ouragame est de traiter des conséquences de la catastrophe. Les outils de prévention des risques sont généralement conçus pour informer les populations sur comment se préparer avant l’arrivée d’un cyclone et quoi faire pendant. La question de l’après est rarement abordée. Pourtant, une fois le cyclone passé, les conséquences peuvent s’étaler sur des mois, voire des années. Les chercheurs qui sont intervenus en 2017 après le cyclone Irma dans les petites Antilles ont constaté que les enfants, ont bien entendu été choqués par l’extrême violence du cyclone le jour de son passage, mais qu’ils étaient également très marqués par les conséquences de la catastrophe : ne plus avoir école pendant plusieurs semaines, avoir été témoins de pillages, devoir déménager, voir leurs parents sans travail du fait de l’absence de touristes pendant de très longs mois. En abordant principalement la phase post-catastrophe, le jeu permet aux enfants ayant déjà vécu un cyclone, de comprendre les mécanismes de reconstruction d’un territoire, de comprendre qui intervient et comment, et de réaliser pourquoi certaines choses peuvent mettre beaucoup de temps à se réparer. Le jeu les incite aussi à réfléchir sur ce qu’il serait possible de faire en amont, pour que cela dure moins longtemps, la prochaine fois. Au-delà des solutions, le jeu amène aussi les enfants à verbaliser, à raconter « leur cyclone » et à mettre des mots sur leur vécu, l’espace ludique offre une certaine distanciation avec la réalité.

L’objectif pour l’équipe du projet est désormais d’obtenir des financements pour éditer le jeu, le designer et faire fabriquer une vingtaine de boîtes (plateaux, cartes, règle du jeu…), afin d’équiper les classes des établissements scolaires d’Outre-mer d’un jeu prêt à l’emploi. Une version adaptée aux élèves de lycée est également envisagée, celle-ci présenterait des mécanismes de jeu plus élaborés et adaptés au programme d’économie de première par exemple. Des versions traduites en anglais, en créole ou en langues polynésiennes permettraient également une diffusion plus large sur d’autres territoires insulaires. Une adaptation du jeu à d’autres crises et fléaux (feux, tremblements de terre…) pourrait également être développée et permettrait de répondre à des problématiques adaptées à des territoires et contextes spécifiques.  

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Le projet Ouragame est soutenu par l’ANR Tirex et par le LabEx Dynamite. Il a été conçu par les étudiantes et étudiants de la promotion 2021/2022 du master 2 gestion globale des risques et des crises (GGRC) et Joséphine Pinet étudiante en master 1 Dynarisk. L’équipe projet est également composée de Brice Anselme (Prodig / UMR 8586), Paul Durand (Laboratoire de géographie physique / UMR 8591) et pilotée par Delphine Grancher (Laboratoire de géographie physique / UMR 8591).