Pascal Levy / Panthéon-Sorbonne
Entretien

L’éloquence d’une future magistrate au service de la mémoire de Badinter

Le 9 octobre dernier, au cœur du Quartier latin, le cénotaphe de Robert Badinter remontait la rue Soufflot jusqu’à la place du Panthéon pour la cérémonie de panthéonisation de ce dernier. Faisant face au centre Panthéon, Alexia Colin-Bonardot, alumni de l’université et auditrice de justice a été choisie pour prononcer un discours à l’occasion de cette soirée d’hommage national. 

Passionnée d’éloquence, engagée et ambitieuse, lors de cette cérémonie nationale, Alexia Colin-Bonardot a incarné la nouvelle génération de magistrats ; une grande responsabilité et un honneur pour cette dernière. « Qui refuserait la chance de porter la voix d'une institution en laquelle il croit fermement ?  J’avais profondément à cœur de véhiculer l'image la plus positive possible d’un corps qui chaque jour, s’efforce de rendre au mieux la justice », déclare-t-elle. Cette prise de parole trouve naturellement sa place dans son parcours déjà guidé par l’éloquence, l’engagement associatif et la volonté profonde de servir la justice.

Une alumni éloquente et engagée

En 2019, après une année de classe préparatoire, Alexia Colin-Bonardot a intégré l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne pendant trois ans avant d’y obtenir sa licence de droit. Elle a ensuite poursuivi ses études en master « Justice, procès, procédure » à l'université Paris-Panthéon-Assas puis en classe préparatoire pour la préparation du concours de l’École nationale de la magistrature (ENM) à Sciences Po Paris avant de finalement intégrer l’ENM en février 2025. Quelques années après son départ de l’université, l’auditrice de justice garde un souvenir ému de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : « Il y a quelque chose avec Paris 1 Panthéon-Sorbonne qui est difficilement explicable. J’y ai fait mes premiers pas dans les études supérieures, mes premiers pas dans le droit. C'est ici que j’ai progressivement trouvé du sens dans mon travail. Il y a donc un attachement émotionnel qui n'est pas forcément rationnel. »

C’est aussi au cours de ses études à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en deuxième année de licence, qu’Alexia Colin-Bonardot a découvert l’éloquence en participant au concours organisé par l’association Lysias Paris 1 avant de devenir membre de l’association Débattre en Sorbonne. « Il était important pour moi de pratiquer l'éloquence au quotidien, de progresser. Je savais qu’au sein de l’association Débattre en Sorbonne, il y avait un pôle d'art oratoire. J'y ai donc postulé », explique-t-elle. Après quelques temps au sein de Débattre en Sorbonne, Alexia Colin-Bonardot est passée de membre active à Vice-présidente. Elle a tenu ce rôle pendant cinq ans, même après son départ de l’université.  

L’éloquence au service de la réinsertion, un écho aux engagements de Robert Badinter

En parallèle de son engagement au sein de l’association d’éloquence, en 2020, Alexia Colin-Bonardot a cofondé avec trois autres étudiants l’association À travers les murs où elle occupe depuis le rôle de Vice-présidente et au sein de laquelle elle reste investie. Cette association propose des formations à l’éloquence et à la prise de parole en milieu carcéral, auprès de détenus. « Par l’éloquence, notre ambition était d’apporter notre pierre à l’édifice de la réinsertion. En leur donnant les codes nécessaires à une meilleure adaptation au monde professionnel, administratif et social, nous les aidons à reprendre confiance en eux, pour ainsi briser les dynamiques de la récidive », détaille-t-elle. Cinq ans après la naissance de l’association, les membres d'À travers les murs sont passés de quatre à cent, avec plusieurs antennes au niveau national (la Corse, la Réunion, Lille, Bordeaux, etc.).

Outre ses engagement associatifs, Alexia Colin-Bonardot a continué au fil des années de participer à des concours d’art oratoire. De la Coupe de France de débat aux concours de plaidoiries, en passant par la Conférence du stage des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, au cours de laquelle elle a pu plaider dans la Grand’chambre de la Cour de cassation, Alexia Colin-Bonardot n’a de cesse de se mettre au défi.

 

 « Je pense que pour progresser, il y a la nécessité de se mettre à l'épreuve. Et, quelle meilleure mise à l'épreuve qu'un concours ? […] Il nous met face à nos faiblesses ou au contraire, face à nos forces […] In fine, il éclaire nos propres capacités. »

 

Son appétence pour l’art oratoire, son engagement au service de la réinsertion des détenus, sa quête de rendre la justice encore meilleure, font écho aux valeurs défendues par Robert Badinter et rendent la présence d’Alexia Colin-Bonardot à cet hommage national d’autant plus légitime et cohérente.

De l’ENM aux marches du Panthéon

Peu de temps après son arrivée à l’ENM, l’élève magistrate a été sélectionnée avec Jérémie Marin, également auditeur de justice à l’ENM, pour participer aux Olympiades de l’éloquence du Réseau des écoles du service public (RESP) et défendre les couleurs de leur école face à 18 autres écoles françaises du service public. En binôme, ces derniers ont remporté la première édition de cet évènement. C’est à la suite de ce concours d’éloquence qu’est tombée la proposition de prendre part à l’hommage national rendu à Robert Badinter dans le cadre de sa panthéonisation. « J'ai été extrêmement honorée par cette proposition que j'ai évidemment acceptée. » 

Pascal Levy / Panthéon-Sorbonne
Pascal Levy / Panthéon-Sorbonne

En effet, au-delà d’un nouveau défi à relever, c’était une réelle fierté pour Alexia Colin-Bonardot de pouvoir prendre la parole pour rendre hommage à cette éminente figure universitaire. « Il y a quelque chose de très intime dans le fait de prononcer un discours, surtout en l’honneur d’une personne pour laquelle j'ai tant de respect », explique-t-elle.

 

« Ce que Robert Badinter a apporté, véritablement, c'est une manière de réfléchir. Ce sont des valeurs, une manière de penser et de voir l'autre, de voir celui qui a enfreint la loi. Ce sont des valeurs qui, forcément, touchent la société de manière générale, mais qui, pour ma part, m’inspirent tout particulièrement. »

 

Pour se préparer au mieux au prononcé de ce discours transmis par l’Élysée, Alexia Colin-Bonardot a dû s’en imprégner, le faire sien et peser l’importance de chaque mot. « Ce qu'il y a de beau dans l'éloquence, ce qu'il y a de beau dans la manière de transmettre un discours, c'est que chaque mot est choisi, est pesé, sous-pesé, quand il est écrit bien sûr, mais surtout quand il est énoncé, articulé. Finalement, c'est cela qui fait la différence entre un discours qui est simplement lu et un discours qui est véritablement vécu. »  

Pascal Levy / Panthéon-Sorbonne

En prêtant sa voix à l’hommage national rendu à Robert Badinter, Alexia Colin-Bonardot a fait bien plus que prononcer un discours : elle a incarné une justice exigeante, humaniste et tournée vers l’avenir. Elle a rappelé, par son éloquence et sa sensibilité, que la justice se construit autant par les textes que par celles et ceux qui les incarnent. Son parcours, où l’éloquence se conjugue à l’engagement, trouve dans ce moment solennel une résonance toute naturelle. Une étape marquante à l’aube d’une carrière appelée à servir la justice avec conviction. 

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