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Gilles Lecerf, de la thèse aux podcasts

Doctorant à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Gilles Lecerf prépare actuellement une thèse sur le concept de convivialité technologique. Pour partager ses recherches et les rendre plus accessibles, il produit en parallèle de ses travaux une série de podcasts intitulée Siri, remplis mon verre.

La convivialité technologique    

Pour ses travaux de recherches, Gilles Lecerf a repris un concept étudié par Ivan Illich, celui de la convivialité technologique. « Ivan Illich a donné des outils très percutants et pertinents pour penser la technologie aujourd’hui. Il explique que plus les outils seront perfectionnés et efficaces plus la qualité de vie humaine se dégradera », précise-t-il. Il avait pressenti ce qui se passe aujourd’hui : « Nous ne savons pas concrètement comment tous ces réseaux sociaux fonctionnent par exemple, ni trop pourquoi nous les utilisons. »  

Comment faire pour que les utilisateurs ne soient pas de simples exécutants qui subissent ces outils technologiques à force de les utiliser ? Dans quelle mesure pouvons-nous aujourd’hui nous passer des réseaux sociaux alors qu’il y a un véritable « monopole radical », avec lesquels on ne peut plus faire sans ? Ce sont autant de questions que Gilles Lecerf aborde dans ses recherches, mais aussi dans ses podcasts. 

Le podcast comme canal de partage  

Pour partager ses travaux et « ne pas faire tout cela seul dans son coin », Gilles Lecerf a fait le choix du podcast. Ce format crée de la matière que les gens peuvent facilement s’approprier. Alors qu’il y a une véritable asymétrie d’information concernant la technologie, que tout va tellement vite qu’il est difficile de suivre le rythme, l’idée est d’éclairer les gens sur ce sujet et de comprendre ce que font toutes ces entreprises. Siri, remplis mon verre a ainsi vu le jour en 2020.

Le titre fait référence à la chanson L’ivrogne de Jacques Brel. « Comme pour l’homme ivre de cette chanson, il s’agit de se demander comment nous pourrions faire pour éviter de finir ivre de technologie ? », résume Gilles Lecerf. Chaque podcast aborde une partie des recherches du doctorant. Plusieurs sujets ont ainsi été traités dont une série d’épisodes dédiés à la notion de vague. « Aujourd’hui, le problème de la technologie et de la rhétorique utilisée par les entreprises, c’est le vague des mots employés. Aucun d’entre eux n’est défini. » Il prend l’exemple du mot cloud : « Cela n’a rien de nuageux ou de joli. Ce sont des serveurs physiques qui surchauffent. » La logique est la même pour la notion d’intelligence artificielle. Ces outils déploient un type d'intelligence très précis qui, si on ne le définit pas suffisamment, se retrouve illimité et écrasant.

Une forme particulière de recherches  

Faire un podcast, c’est s’engager dans un exercice qui prend du temps. Une vingtaine d’heures est nécessaire pour la production de chacun d’entre-eux. S’il a créé la bande-son avec un ami musicien, Gilles Lecerf s’occupe désormais de l’intégralité de la conception de Siri, remplis mon verre. « J’organise ma semaine entre ma thèse et mes autres activités professionnelles, dont le podcast. À cela s’ajoutent les cours que je donne dans différentes écoles et la conception d’un podcast pour une entreprise. »   

Puis, la question de la sélection des sujets se pose. « A priori, tout peut être raconté dans un podcast. Mais j’ai parfois des doutes sur certains sujets. Un critère de sélection, c’est souvent chercher à apporter un regard sur un sujet de fond sans vouloir coller à l’actualité, comme la série sur le rapprochement dynamique technologique et totalitarisme. » Le doctorant considère tout ce travail comme une partie de son temps de recherches pendant lequel il peut également réfléchir sur ces « organisations qui pensent tout changer grâce à la technologie ».

Où se situe notre liberté face à la puissance des outils technologiques actuels ? Le message que le doctorant souhaite faire passer est qu’il est nécessaire d’avoir « une vraie discussion sur le film que l’on veut aller voir ou le musée que l’on souhaite visiter. Il ne faut pas se laisser tout le temps embarquer dans les endroits que l’on pense optimisés pour nous mais qui en réalité ne le sont pas. C’est là que se situe notre liberté, c’est dans notre capacité à vouloir essayer de faire ces choix-là. » 

► Découvrir Siri, remplis mon verre