Ghadir Ismail / Panthéon-Sorbonne
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Observer, analyser, former, éclairer : l’université lance son Observatoire de l’Intelligence artificielle

C’est en Sorbonne, dans le cadre prestigieux de l’amphithéâtre Richelieu, que l’Observatoire de l’Intelligence artificielle de Paris 1 Panthéon-Sorbonne (AI ObS) a été officiellement lancé le 22 juin 2022. Ses missions, déclinées en quatre objectifs, observer, analyser, former et éclairer, s’inscrivent dans une dynamique interdisciplinaire et fédératrice.

L’Observatoire de l'intelligence artificielle de Paris 1 Panthéon-Sorbonne est né de la volonté d’un groupe d’enseignants-chercheurs d’explorer les impacts sociaux et sociétaux de l’intelligence artificielle (IA), en fédérant les actions menées par les équipes de recherche et d’enseignement de l’université dans ses différents champs disciplinaires. Son lancement officiel s’est opéré le 22 juin dernier dans le cadre du colloque inaugural Intelligence artificielle et Société qui a réuni une centaine de participants autour d’un programme défini par les trois porteurs du projet : Célia Zolynski, professeure de droit ; Alain Celisse, professeur de mathématiques appliquées, et Stéphane Lamassé, maître de conférences en histoire et humanités numériques.

L’observatoire privilégie une approche réflexive et s’appuie sur la force de l’université : sa diversité et sa capacité à fédérer ses enseignants-chercheurs, qui sont aujourd’hui plus d’une cinquantaine à travailler sur les enjeux liés à l’IA. Dans son discours d’introduction, Christine Neau-Leduc, présidente de l’université, a salué le caractère fédérateur de cette démarche : « Cet observatoire va explorer les richesses et l’excellence de la recherche et de la formation au sein de notre université. Les enseignants s’inscrivent ainsi dans les enjeux d’aujourd’hui pour préparer l’avenir de nos étudiants et de nos chercheurs. […] À l’image de notre université, l’interdisciplinarité et l’ouverture à l’international font partie de l’ADN de cet observatoire. » Elle a également rappelé l’importance pour l’université de s’intéresser de près aux enjeux sociétaux de l’IA : « Notre université doit jouer un rôle auprès de la société, auprès des citoyens, auprès des pouvoirs publics pour démystifier les discours sur l’IA […] les travaux de l’observatoire permettront de construire une expertise en sciences humaines et sociales, qui permettra aussi d’éclairer les choix de la société. » Un avis partagé par la Défenseure des droits, Claire Hédon, dans son intervention sur le respect des droits et des libertés à l’ère de l’IA : « Cet observatoire s’inscrit tout à fait dans la lignée de nos recommandations en matière d'intelligence artificielle. Le lancement d’un observatoire français va contribuer à mieux renseigner les multiples enjeux que soulève l’IA, à la fois à l’échelle nationale mais aussi à l’échelle européenne. »

Une approche réflexive et interdisciplinaire sur l’intelligence artificielle  

Le colloque a questionné l’intelligence artificielle autour de plusieurs thématiques comme la lutte contre la désinformation, la régulation, le droit, les enjeux éthiques ou encore la vision stratégique française et européenne. En plus de ses trois membres porteurs, la journée a été animée par plusieurs enseignants-chercheurs issus de différentes disciplines de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : Alberto Naibo, maître de conférences en philosophie, Martine Behar-Touchais professeure de droit, Cécile Faliès, maîtresse de conférences en géographie et vice-présidente recherche, ainsi que Camille Salinesi, professeur en informatique et vice-président en charge des relations internationales. Yann Bonnet, directeur général délégué du Campus Cyber, a réalisé un bilan cinq ans après la remise du rapport – confié au député et mathématicien Cédric Villani – intitulé Donner un sens à l’intelligence artificielle. Renaud Vedel, coordinateur national pour l’intelligence artificielle, a quant à lui expliqué la vision stratégique de la France. 

Plusieurs représentants d’autorités et de commissions publiques indépendantes ont également présenté leur pensée critique sur l’IA : Félicien Vallet, responsable IA de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, Lucien Castex, membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Gaëtan Goldberg, chargé de mission numérique au Défenseur des droits, Éric Salobir, membre du Conseil national du numérique, et Claude Kirchner, président du Comité national pilote d'éthique du numérique. Grégoire Loiseau, professeur de droit à l’École de droit de la Sorbonne et Philippe Besse, professeur de mathématiques à l’université de Toulouse, ont livré leur analyse sur la proposition de règlement concernant l’intelligence artificielle. Le volet pédagogique de l’observatoire a été abordé avec l’intervention de Tomi Kokkonen, chercheur de philosophie à l’université d’Helsinki, venu présenter le MOOC AI for Society, co-développé par trois universités au sein de l’alliance Una Europa : Helsingin Yliopisto (Finlande), l'université d'Édimbourg (Écosse) et Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Le MOOC sensibilise les étudiants, les professionnels et les citoyens intéressés sur l’impact, le potentiel et les risques de l’IA.

Une partie du colloque a été consacrée à la présentation de deux projets de recherche menés par des enseignants-chercheurs de l’université. Julie Claustre Mayade, maîtresse de conférences en histoire et Sergio Torres Aguilar, post-doctorant à l’École nationale des Chartes, ont présenté le projet e-NDP - Notre Dame de Paris et son cloître (LaMOP UMR 8589 / CNRS – université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Démarré à la suite de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2019, le programme e-NDP vise à mettre à la disposition des historiens et du public des ressources fondamentales pour la connaissance de Notre-Dame : le texte intégral des registres de décisions du chapitre Notre-Dame de Paris à l’époque médiévale. Dans ce projet, le recours à l’IA facilite l’analyse d’un corpus massif (26 registres, 14 000 pages manuscrites en latin), hétérogène et peu indexé.

Joëlle Farchy, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, est venue présenter la Chaire PcEn (Pluralisme culturel & Éthique du numérique) qui mène des travaux appliqués sur la diversité et la qualité des contenus culturels et médiatiques en ligne et les problématiques éthiques des algorithmes et du numérique. Elle a notamment présenté l’algorithme Chain Reaction conçu pour mesurer la distance culturelle sur Spotify ainsi qu’une méthode pour étudier les recommandations de l’algorithme de Netflix.

Un observatoire au carrefour de toutes disciplines en SHS

Pensé comme un carrefour pour les enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales, l’Observatoire de l'Intelligence artificielle Paris 1 Panthéon-Sorbonne s’articule autour de quatre missions : 

  • observer les principaux concepts qui structurent la recherche sur l'IA pour initier de nouvelles dynamiques interdisciplinaires ; 
  • analyser les nouveaux comportements émergents en lien avec un usage massif de l’IA ; 
  • former par la production d’outils de compréhension dans le domaine de l’IA et en lien avec différentes disciplines ;
  • éclairer les politiques publiques et sensibiliser le public aux enjeux de l’IA.

Dans la droite lignée de ces missions, Célia Zolynski et Alain Celisse ont modéré une table ronde intitulée « Intelligence artificielle, désinformation et démocratie : regards croisés »  avec Emmanuel Didier, sociologue et directeur de recherche au CNRS-ENS, Christine Dugoin-Clément, chercheuse associée à la Chaire RisquesIAE à Paris-Sorbonne Business School (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne & CREOGEN),  Joséphine Hurstel rapporteure au Conseil national du numérique, et Marion Vorms, maîtresse de conférences en philosophie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Les sujets traités autour des enjeux sociaux de l’intelligence artificielle sont et seront multiples : transparence et explicabilité, régulation de l’IA, lutte contre la désinformation, art et IA, économie de l’attention ou encore enjeux géopolitiques de l’IA… En s'appuyant sur ses travaux, l'observatoire AI ObS souhaite être force de proposition pour accompagner la production et l'utilisation responsable de systèmes et services à base d'intelligence artificielle. 

► Ses projets, activités et ressources (publications, formations, entretiens avec des chercheurs, veille scientifique, vidéo de colloques…) sont à découvrir sur son site internet mis en ligne à l’occasion de cette journée inaugurale : https://observatoire-ia.pantheonsorbonne.fr/.